21 octobre 2017

Nicolas Hulot va-t-il avaler la nouvelle couleuvre du prolongement de la licence du glyphosate ?

Avaler des couleuvres
Au printemps 2016, pour sortir de l'impasse et éviter un vide juridique, la Commission de Bruxelles avait temporairement prolongé de 18 mois la licence du glyphosate qui arrivait à expiration.

Cette autorisation de prolongation s'achève fin décembre 2017 et le renouvellement de la licence fait l'objet d'un nouveau débat à Bruxelles…


Depuis les années 2000, des voix de plus en plus nombreuses s’élèvent pour dénoncer la nocivité du glyphosate sur l’environnement comme sur la santé. De l’Amérique latine à l’Europe, les preuves scientifiques pleuvent. En 2012, l’étude du professeur Gilles-Éric Séralini sur la toxicité à long-terme du Roundup fait grand bruit avant que le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), qui dépend de l’OMS, classe le glyphosate parmi les cancérogènes probables pour l’homme.  

Mais pour l'Autorité européenne de sécurité des aliments (AESA), il n’y a pas de raison de classer le glyphosate comme cancérogène et la Commission européenne devrait proposer à nouveau le renouvellement de la licence pour 10 ans. L'AESA, à la différence du CIRC, a pris en compte des études confidentielles réalisées par les industriels. Par ailleurs, des soupçons de conflit d'intérêts existent sur la décision de l'AESA car 82 % des experts ayant participé à l'évaluation ne sont pas connus nommément. À l'inverse tous les experts du CIRC sont connus. 

Le tribunal international de La Haye


En octobre 2016, s’est tenu le Tribunal international contre Monsanto, à l’Institut des études sociales de La Haye. Un tribunal formel avec une trentaine de témoins (experts, avocats, choisis en fonction de la qualité de leurs recherches) qui ont partagé leur expertise sur les pollutions et les dommages causés par les pesticides et les OGM. 

Ils ont été entendus par cinq juges de renommée internationale, comme l’argentine Eleonora Lamm, directrice des droits de l’homme à la Cour suprême de justice de Mendoza, le mexicain Jorge Abraham Fernandez Souza, qui a été orateur au tribunal Russell sur la répression en Amérique latine, et la sénégalaise Dior Fall Sow, consultante pour la Cour pénale internationale et ex-avocate générale du Tribunal pénal international pour le Rwanda.

Percy Schmeiser, fermier canadien


Il a  raconté le calvaire enduré alors qu’il était traîné au tribunal par Monsanto, au motif qu’il aurait utilisé des semences de colza OGM sans avoir acheté de licence. « La société a commencé par nous réclamer 100 000 dollars en échange de l’abandon des poursuites. Ils espionnaient ma femme quand elle travaillait aux champs. Elle cherchait à savoir comment nous financions notre défense et a essayé de saisir notre maison, nos comptes bancaires. Elle a essayé de nous détruire ! » Finalement, la Cour suprême de justice a donné raison au couple. 

André Leu, président de la Fédération internationale pour les mouvements d’agriculture biologique (IFOAM)

Lors de la session suivante, consacrée aux dommages des pesticides sur la santé, le président de l’IFOAM, lance l’alerte : « Le glyphosate passe par le placenta et atteint le fœtus. On le retrouve dans la plupart des aliments, la bière, les vaccins qui sont produits avec des œufs qui sont issues de poules nourries aux grains traités. » Avec pour conséquences, « des maladies comme l’autisme, Alzheimer et les démences qui explosent, ainsi que les cancers, l’obésité, le diabète de type 2 ». 

Marcelo Firpo, chercheur au Brésil


Il a constaté les dégâts dans son pays : « Le ministre de la Santé estime que plus de 400 000 personnes sont contaminées par les pesticides chaque année. 62 000 personnes ont été victimes d’empoisonnements aigus rien qu’en 1999. Mais on peut penser que les chiffres réels sont 50 fois plus importants.» 

Farida Akhter, militante environnementale au Bangladesh


Il raconte les effets dramatiques de la privatisation des variétés d’aubergine dans son pays. « Nos fermiers se sont endettés pour acheter de plus en plus de pesticides. L’eau a commencé à être polluée. » La perte culturelle est immense, estime la militante : « Nous avions à peu près 248 variétés d’aubergines, que nous cuisinons de manière différente, que nous faisions pousser dans des paysages différents. Par exemple, un légume qui s’appelait " étoile des yeux " - un nom magnifique. Les entreprises ont récupéré ces variétés, les ont manipulées génétiquement et les ont renommées avec des noms affreux formés de lettres et de chiffres. J’ai honte de ce qui est en train de se passer.»

Nicolas Hulot connaît sans doute tous ces témoignages accablants pour Monsanto car la France est loin d’être épargnée par les pesticides. L’organisation Générations futures, présidée par François Veillerette, a testé une journée de repas ordinaires, du petit-déjeuner au dîner. Bilan : « Trente-six pesticides différents. Nous avons trouvé quatre pesticides et jusqu’à dix résidus dans nos salades. Dans le raisin de table, plus de huit résidus.»

Quelques rares pays européens dont la France, l'Autriche et l’Italie ont osé critiquer publiquement la proposition de la Commission européenne de renouveler pour dix ans la licence du produit. Le ministre italien de l'Agriculture Maurizio Martina a même annoncé sur son compte Twitter : " Non au renouvellement de l'autorisation européenne pour le glyphosate. Stop au glyphosate ".

Nicolas Hulot qui a été forcé de renouveler le privilège off-shore de Total en Guyane, d'avaler la couleuvre de la " Montagne d'or " toujours en Guyane puis celle de la suppression des aides d'Etat aux paysans bio puis celle de l'autorisation en catimini de deux nouveaux pesticides « tueurs d’abeilles », s’opposera-t-il clairement à un renouvellement de la licence d'un produit cancérigène par la commission de Bruxelles ? On peut en douter car il a déjà laissé une  porte ouverte en se disant favorable à une nouvelle période d'autorisation réduite par Bruxelles, à trois, quatre ou cinq ans par exemple…



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