18 juillet 2017

Emmanuel Macron, une réforme fiscale à l'eau de rose...

La déclaration de revenus va être progressivement dématérialiséeLa question d'une véritable réforme fiscale alliant justice sociale et redistribution constitue un enjeu fondamental, à la fois pour les finances publiques que pour l'égalité entre les contribuables.

Mais pour l'instant une remise à plat de l'ensemble du système fiscal ne semble pas être la priorité du gouvernement d'Emmanuel Macron. A ce jour, seule  la remise à plus tard de l'impôt sur le revenu " à la source " a été évoqué au cours des débats à l’Assemblée nationale… 


Une véritable réforme fiscale passe aujourd’hui par une série de mesures de bon sens que les gouvernements de droite n'ont jamais voulu mettre en œuvre par le passé et que la gauche au pouvoir ne s’est jamais empressée de prendre, aussi bien sous le gouvernement Jospin que sous la présidence de François Hollande.

Avec la nomination de trois personnalités de droite à des postes clés (Edouard Philippe, Premier ministre, Bruno Le Maire, ministre de l'Economie et des Finances et Gérald Darmanin, ministre de l'Action et des Comptes publics), Emmanuel Macron ne semble pas vouloir modifier le conservatisme fiscal ambiant.

L'impôt sur le revenu (IR)


L'IR souffre toujours d'un manque cruel de progressivité avec seulement 4 tranches d’imposition : 14% (9 701 à 26 791 €), 30% (26 792 à 71 826 €), 41% (71 827 à 152 108 €), et 45% (152 108 € et plus). Le taux marginal est bien passé de 41% à 45 % sous le quinquennat de François Hollande mais sans toucher au reste, cela n’a rien changé à un système fiscal qui demeure dégressif pour les plus hauts revenus et n’est plus calculé en fonction des « facultés » de chacun. 

Or, le simple rétablissement des quatorze tranches, supprimées par Laurent Fabius, ministre des finances en 2000, permettrait de rétablir une réelle progressivité de l'IR et de dégager des recettes nettement supérieures à celles rapportées chaque année (76 milliards  € en 2016, représentant seulement 19,6 % des recettes de l'Etat). 

- L’IR est calculé également en fonction du quotient familial (QF) qui est un mécanisme qui prend en compte la taille de la famille mais qui a pour défaut de subventionner davantage les familles riches que les familles pauvres, la réduction d'impôt étant proportionnelle au revenu dans la limite d'un plafond. Ce plafonnement a bien été baissé sous le quinquennat de François Hollande à 2 000 € par demi-part puis à 1 500 € mais le système reste toujours aussi injuste. Selon une étude de la direction générale du Trésor, la concentration des trois quarts gains (soit 3 milliards d’euros sur 4) se fait sur les 11 % des ménages les plus aisés. 

Que la France abandonne le QF, qui n’est plus appliqué en Europe que par deux pays (Luxembourg et Suisse) et qu’elle adopte un système de crédit d’impôt identique pour chaque enfant comme le font déjà la Belgique, le Canada, l’Espagne, la Hongrie, l’Italie, les Pays-Bas, la Pologne, le Portugal, la République tchèque et l’Allemagne, ne serait donc pas déraisonnable.

- Enfin le quotient conjugal (QC) sert aussi à moduler l’impôt calculé. Il consiste à diviser la somme des revenus d'un couple par deux avant de lui appliquer le barème progressif de l’IR. Un couple dont l’un des conjoints gagne par exemple 50 000 € par an et l’autre 10 000 €, l’impôt est calculé sur 30 000 € (revenus moyens du couple) puis le résultat de l'impôt est multiplié par deux pour arriver à l’impôt final à payer.

La conséquence de ce système est double. Il réduit fortement l'impôt des couples aisés dont l'un des membres - le plus souvent la femme - ne travaille pas ou très peu, avec une réduction d'impôt d'autant plus élevée que le revenu principal est important. Pour un même revenu, ces couples sont ainsi avantagés au détriment des célibataires, des personnes séparées, des veufs et veuves ou encore des familles monoparentales qui doivent pourtant faire face à des dépenses de vie courante plus élevées qu'un couple.

Le coût de cet avantage fiscal accordé aux couples oscille entre 5,5 milliards € d'après le Trésor et 24 milliards € selon la Cour des comptes. Cette dernière somme est énorme, d’autant plus que l'avantage retiré du QC n'est pas plafonné, contrairement au QF. Pour corriger ce système, la meilleure solution serait sa suppression pure et simple, les capacités contributives étant dès lors appréciées simplement en fonction des revenus réels des couples.


L’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) 


François Hollande avait rétabli l’ISF dans sa configuration initiale mais maintenu la disposition prise par Nicolas Sarkozy au terme de laquelle le seuil de déclenchement de l’ISF ne joue qu’à compter de 1,3 million € de patrimoine (le premier taux d’imposition de 0,50% prend effet à compter de 800 000 € mais seulement si le seuil de 1,3 million est atteint). De plus, les taux applicables ont été abaissés de 0,55 à 0,50% pour la première tranche, de 0,75 à 0,70% pour la seconde, la tranche de 1,65% supprimée et le taux marginal passant de 1,80 à 1,50% !

Au bout du compte, l'ISF a été moins lourd en 2013 sous la gauche (4,39 milliards € de recettes) qu’en 2010, 2011, 2012 sous la droite (respectivement 4,46, 4,32 et 5,04 milliards €. En 2014, c’est seulement grâce aux « repentis fiscaux » que les recettes se sont élevées à 5,2 milliards € pour 342 942 foyers concernés. 

Aujourd’hui, Emmanuel Macron veut à nouveau réformer l’ISF. Il s’agirait de ne taxer que les biens immobiliers et non les investissements en entreprises pour mieux attirer les investisseurs, notamment étrangers. Une solution qui aura pour conséquence d’engendrer un manque à gagner de trois milliards € par an pour les recettes de l’Etat. Il faut donc interpréter ce changement annoncé pour ce qu’il révèle profondément : comme les socialistes et Les Rpublicains, Emmanuel Macron ne tolère l’ISF que dans une mouture allégée…


Les niches fiscales 


Elles sont évaluées à plus de 70 milliards € sans compter les différentes exonérations fiscales accordées aux entreprises. Mais d’après un rapport de la cour des comptes, réalisé sous le magistère de feu Philippe Séguin, celles-ci représentaient pour l’année 2009 146 milliards € ! Une somme colossale et une aberration économique puisque cette somme est trois fois supérieure au produit de l'IR payé par les particuliers ! 

Si certaines niches répondent à un souci d'équité ou à des mesures économiquement utiles, d'autres permettent surtout à une minorité de personnes de réduire fortement leur imposition tout en se constituant un patrimoine important. 

Le gouvernement de François Hollande avait plafonné quelques niches à 10 000 € au lieu de 18 000 € mais beaucoup d’entre elles restent totalement inefficaces et doivent être purement et simplement supprimées. Pire, l’ancien Premier Ministre, Jean-Marc Ayrault, avait réussi l'exploit d'accorder à deux niches fiscales (Sofica et loi Girardin pour les DOM) des plafonds supérieurs à ceux fixés antérieurement par le gouvernement de Nicolas Sarkozy !

Avec la récupération de ces sommes, on réglerait une bonne fois pour toute les intérêts annuels de la dette publique qui se montent à plus de 50 milliards €...


La fraude fiscale


La fraude fiscale, par son ampleur et ses caractéristiques (au minimum entre 60 et 80 milliards € par an, selon le Syndicat national unifié des impôts), réduit aussi fortement les rentrées fiscales et accentue les inégalités, sans parler de l'optimisation fiscale qui fait le bonheur des avocats d'affaires. Ce sont essentiellement les grosses entreprises et les riches particuliers qui en bénéficient car ils peuvent faire de gros investissements déductibles de l’Impôt ou user de l’existence des paradis fiscaux. 

L’administration fiscale a perdu 25 000 emplois depuis 2002 sur l'ensemble de ses missions, dont une grande partie est concentrée sur des services qui forment le premier étage du contrôle fiscal, c'est-à-dire le service de gestion de l'impôt, le service de contrôle sur pièces et le service de programmation des contrôles fiscaux.

Un signal fort devrait être donné par la création de plusieurs milliers de postes dans les administrations chargés de lutter contre les fraudes et par l’établissement de la liste « française » des pays considérés comme non coopératifs ou comme paradis fiscaux et judiciaires en accompagnant cette liste des sanctions infligées aux entreprises qui utilisent ces territoires.


La fiscalité locale 


La fiscalité locale est doublement injuste car elle varie d’un montant de 1 à 4 suivant les régions et a augmenté considérablement ces dernières années. De plus, les bases de calcul sont totalement archaïques et datent de 1961 (taxe foncière) et de 1970 (taxe d’habitation). Le montant à payer pour les contribuables ne dépend pratiquement pas du revenu fiscal déclaré, sauf pour les personnes qui ont des difficultés sociales graves et qui bénéficient d’exonérations partielles ou totales. Ainsi, comme le souligne la cour des comptes, " les ménages modestes ou moyens subissent proportionnellement un prélèvement plus lourd que les ménages les plus aisés ". 

Emmanuel Macron, contrairement à ses prédécesseurs, a reconnu à plusieurs reprises l’injustice d’un tel système et envisage d’exonérer de la taxe immobilière 80% des foyers. Si cette annonce est plutôt positive, elle est cependant insuffisante car 20% des foyers resteraient assujettis à un impôt injuste et on ne sait pas exactement comment serait compensé ces suppressions. 

A priori, Emmanuel Macron prévoit d'augmenter la CSG de 1,7% pour les foyers dont les revenus annuels sont supérieurs à 14 375 € pour un célibataire ou 22 051 € pour un couple et de prélever " une part de CSG ou de CRDS " pour compenser la suppression de la taxe pour 80% des ménages sur trois ans, entre 2108 et 2020. 
  
Mais la méthode la plus juste et la plus efficace serait de prendre en compte le revenu dans l’assiette des taxes afin de tenir compte davantage de la capacité contributive des contribuables car la seule révision des valeurs locatives ne suffit pas pour rendre ces impôts plus justes. C’est le cas de certains pays comme les pays nordiques, la Suisse ou l'Allemagne.

Comme on le voit, le chantier d'une véritable réforme fiscale est vaste. Il faudrait encore y ajouter le problème des impôts indirects (TVA, TIPP, forfaits hospitaliers, franchises médicales, taxes diverses, etc.) qui ont pris une part démesurée dans le budget de l'Etat (environ 65% des recettes fiscales) et qui font de la France un des pays les plus inégalitaires du monde occidental.

Mais Emmanuel Macron, comme ses prédécesseurs, est très loin de vouloir changer un système fiscal profitant d'abord aux personnes et familles les plus aisées. Pire, le jeune président de la République est en train de sacrifier la taxe sur les transactions financières pour satisfaire les banquiers britanniques et confirmer la baisse de  par mois des aides au logement (APL) pour 6 millions de familles et 800 000 étudiants à partir du mois d'octobre prochain… 


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